Saint François d’Assise

Par le pape Benoît XVI 27 janvier 2010

François, un authentique « géant » de sainteté, qui continue à fasciner de très nombreuses personnes de tous âges et de toutes religions.

 « Surgit au monde un soleil ». Avec ces paroles, dans la Divine Comédie (Paradis, chant xi), le suprême poète italien Dante Alighieri évoque la naissance de François, survenue à la fin de 1181 ou au début de 1182, à Assise. Appartenant à une riche famille, – son père était marchand drapier -, François passa son adolescence et sa jeunesse dans l’insouciance, cultivant les idéaux chevaleresques de l’époque. A l’âge de vingt ans, il participa à une campagne militaire, et fut fait prisonnier. Il tomba malade et fut libéré. De retour à Assise, commença en lui un lent processus de conversion spirituelle, qui le conduisit à abandonner progressivement le style de vie mondain qu’il avait mené jusqu’alors. C’est à cette époque que remontent les célèbres épisodes de la rencontre avec le lépreux, auquel François, descendu de cheval, donna le baiser de la paix, et du message du Crucifié dans la petite église de saint Damien. Par trois fois, le Christ en croix s’anima, et lui dit : « Va, François, et répare mon église en ruine ». Ce simple événement de la parole du Seigneur entendue dans l’église de Saint-Damien renferme un symbolisme profond. Immédiatement, saint François est appelé à réparer cette petite église, mais l’état de délabrement de cet édifice est le symbole de la situation dramatique et préoccupante de l’Église elle-même à cette époque, avec une foi superficielle qui ne forme ni ne transforme la vie, avec un clergé peu zélé, avec un refroidissement de l’amour ; une destruction intérieure de l’Église qui comporte également une décomposition de l’unité, avec la naissance de mouvements hérétiques. Toutefois, au centre de cette église en ruines se trouve le crucifié, et il parle : il appelle au renouveau, appelle François à un travail manuel pour réparer de façon concrète la petite église de Saint-Damien, symbole de l’appel plus profond à renouveler l’Église même du Christ, avec la radicalité de sa foi et l’enthousiasme de son amour pour le Christ. Cet événement qui a probablement eu lieu en 1205, fait penser à un autre événement semblable qui a eu lieu en 1207 : le rêve du Pape Innocent III. Celui-ci voit en rêve que la Basilique Saint-Jean-de-Latran, l’église mère de toutes les églises, s’écroule et un religieux petit et insignifiant soutient de ses épaules l’église afin qu’elle ne tombe pas. Il est intéressant de noter, d’une part, que ce n’est pas le Pape qui apporte son aide afin que l’église ne s’écroule pas, mais un religieux petit et insignifiant, dans lequel le Pape reconnaît François qui lui rend visite. Innocent III était un Pape puissant, d’une grande culture théologique, et d’un grand pouvoir politique, toutefois, ce n’est pas lui qui renouvelle l’église, mais le religieux petit et insignifiant : c’est saint François, appelé par Dieu. Mais d’autre part, il est intéressant de noter que saint François ne renouvelle pas l’Église sans ou contre le Pape, mais seulement en communion avec lui. Les deux réalités vont de pair : le Successeur de Pierre, les évêques, l’Église fondée sur la succession des apôtres et le charisme nouveau que l’Esprit Saint crée en ce moment pour renouveler l’Église. C’est ensemble que se développe le véritable renouveau.

Retournons à la vie de saint François. Alors que son père Bernardone lui reprochait sa générosité exagérée envers les pauvres, François, devant l’évêque d’Assise, à travers un geste symbolique, se dépouille de ses vêtements, montrant ainsi son intention de renoncer à l’héritage paternel :  comme au moment de la création, François n’a rien, mais uniquement la vie que lui a donnée Dieu, entre les mains duquel il se remet. Puis il vécut comme un ermite, jusqu’à ce que, en 1208, eut lieu un autre événement fondamental dans l’itinéraire de sa conversion. En écoutant un passage de l’Évangile de Matthieu – le discours de Jésus aux apôtres envoyés en mission -, François se sentit appelé à vivre dans la pauvreté et à se consacrer à la prédication. D’autres compagnons s’associèrent à lui ; et en 1209, il se rendit à Rome, pour soumettre au Pape Innocent III le projet d’une nouvelle forme de vie chrétienne. Il reçut un accueil paternel de la part de ce grand Souverain Pontife, qui, illuminé par le Seigneur, perçut l’origine divine du mouvement suscité par François. Le Poverello d’Assise avait compris que tout charisme donné par l’Esprit Saint doit être placé au service du Corps du Christ, qui est l’Église ; c’est pourquoi, il agit toujours en pleine communion avec l’autorité ecclésiastique. Dans la vie des saints, il n’y a pas d’opposition entre charisme prophétique et charisme de gouvernement, et si des tensions apparaissent, ils savent attendre avec patience les temps de l’Esprit Saint.

           En réalité, certains historiens du XIXe siècle et même du siècle dernier ont essayé de créer derrière le François de la tradition, un soi-disant François historique, de même que l’on essaie de créer derrière le Jésus des Évangiles, un soi-disant Jésus historique. Ce François historique n’aurait pas été un homme d’Église, mais un homme lié immédiatement et uniquement au Christ, un homme qui voulait créer un renouveau du peuple de Dieu, sans formes canoniques et sans hiérarchie. La vérité est que saint François a réellement eu une relation très directe avec Jésus et avec la parole de Dieu, qu’il voulait suivre sine glossa, telle quelle, dans toute sa radicalité et sa vérité. Et il est aussi vrai qu’initialement il n’avait pas l’intention de créer un Ordre avec les formes canoniques nécessaires, mais simplement, avec la parole de Dieu et la présence du Seigneur, il voulait renouveler le peuple de Dieu, le convoquer de nouveau à l’écoute de la parole et de l’obéissance verbale avec le Christ. En outre, il savait que le Christ n’est jamais « mien », mais qu’il est toujours « nôtre », que le Christ je ne peux pas l’avoir « moi » et reconstruire « moi » contre l’Église, sa volonté et son enseignement, mais uniquement dans la communion de l’Église construite sur la succession des Apôtres qui se renouvelle également dans l’obéissance à la parole de Dieu.

           Et il est également vrai qu’il n’avait pas l’intention de créer un nouvel ordre, mais uniquement de renouveler le peuple de Dieu pour le Seigneur qui vient. Mais il comprit avec souffrance et avec douleur que tout doit avoir son ordre, que le droit de l’Église lui aussi est nécessaire pour donner forme au renouveau et ainsi il s’inscrivit réellement de manière totale, avec le cœur, dans la communion de l’Église, avec le Pape et avec les évêques. Il savait toujours que le centre de l’Église est l’Eucharistie, où le Corps du Christ et son Sang deviennent présents. A travers le Sacerdoce, l’Eucharistie est l’Église. Là où le Sacerdoce, le Christ et la communion de l’Eglise vont de pair, là seul habite aussi la parole de Dieu. Le vrai François historique est le François de l’Église et précisément de cette manière, il parle aussi aux non-croyants, aux croyants d’autres confessions et religions.

           François et ses frères, toujours plus nombreux, s’établirent à la Portioncule, ou église Sainte-Marie des Anges, lieu sacré par excellence de la spiritualité franciscaine. Claire aussi, une jeune femme d’Assise, de famille noble, se mit à l’école de François. Ainsi vit le jour le deuxième ordre franciscain, celui des Clarisses, une autre expérience destinée à produire d’insignes fruits de sainteté dans l’Église.

           Le successeur d’Innocent III lui aussi, le Pape Honorius III, avec sa bulle Cum dilecti de 1218 soutint le développement singulier des premiers Frères mineurs, qui partaient ouvrir leurs missions dans différents pays d’Europe, et jusqu’au Maroc. En 1219 François obtint le permis d’aller s’entretenir, en Égypte, avec le sultan musulman, Melek-el-Kâmel, pour prêcher là aussi l’Évangile de Jésus. Je souhaite souligner cet épisode de la vie de saint François, qui a une grande actualité. A une époque où était en cours un conflit entre le christianisme et l’islam, François, qui n’était volontairement armé que de sa foi et de sa douceur personnelle, parcourut concrètement la voie du dialogue. Les chroniques nous parlent d’un accueil bienveillant et cordial reçu du sultan musulman. C’est un modèle auquel, encore aujourd’hui, les relations entre chrétiens et musulmans devraient s’inspirer : promouvoir un dialogue dans la vérité, dans le respect réciproque et dans la compréhension mutuelle (cf. Nostra aetate, n. 3). Il semble ensuite que François ait visité la Terre Sainte, jetant ainsi une semence qui porterait beaucoup de fruits : ses fils spirituels en effet firent des Lieux où vécut Jésus un contexte privilégié de leur mission. Je pense aujourd’hui avec gratitude aux grands mérites de la Custodie franciscaine de Terre Sainte.

De retour en Italie, François remit le gouvernement de l’ordre à son vicaire, le frère Pietro Cattani, tandis que le Pape confia à la protection du cardinal Ugolino, le futur Souverain Pontife Grégoire IX, l’Ordre, qui recueillait de plus en plus d’adhésions. Pour sa part, son Fondateur, se consacrant tout entier à la prédication qu’il menait avec un grand succès, rédigea la Règle, ensuite approuvée par le Pape.

           En 1224, dans l’ermitage de la Verna, François voit le Crucifié sous la forme d’un séraphin et de cette rencontre avec le séraphin crucifié il reçut les stigmates ; il fait ainsi un avec le Christ crucifié : un don qui exprime donc son intime identification avec le Seigneur.

           La mort de François – son transitus – advint le soir du 3 octobre 1226, à la Portioncule. Après avoir béni ses fils spirituels, il mourut, étendu sur la terre nue. Deux années plus tard, le Pape Grégoire IX l’inscrivit dans l’album des saints. Peu de temps après, une grande basilique fut élevée en son honneur à Assise, destination encore aujourd’hui de nombreux pèlerins, qui peuvent vénérer la tombe du saint et jouir de la vision des fresques de Giotto, peintre qui a illustré de manière magnifique la vie de François.

           Il a été dit que François représente un alter Christus, qu’il était vraiment une icône vivante du Christ. Il fut également appelé « le frère de Jésus ». En effet, tel était son idéal : être comme Jésus ; contempler le Christ de l’Evangile, l’aimer intensément, en imiter les vertus. Il a en particulier voulu accorder une valeur fondamentale à la pauvreté intérieure et extérieure, en l’enseignant également à ses fils spirituels. La première béatitude du Discours de la Montagne – Bienheureux les pauvres d’esprit car le royaume des cieux leur appartient (Mt 5, 3) – a trouvé une réalisation lumineuse dans la vie et dans les paroles de saint François. Chers amis, les saints sont vraiment les meilleurs interprètes de la Bible ; ils incarnent dans leur vie la Parole de Dieu, ils la rendent plus que jamais attirante, si bien qu’elle nous parle concrètement. Le témoignage de François, qui a aimé la pauvreté pour suivre le Christ avec une dévouement et une liberté totale, continue à être également pour nous une invitation à cultiver la pauvreté intérieure afin de croître dans la confiance en Dieu, en unissant également un style de vie sobre et un détachement des biens matériels.

           Chez François, l’amour pour le Christ s’exprima de manière particulière dans l’adoration du Très Saint Sacrement de l’Eucharistie. Dans les Sources franciscaines, on lit des expressions émouvantes, comme celle-ci : « Toute l’humanité a peur, l’univers tout entier a peur et le ciel exulte, lorsque sur l’autel, dans la main du prêtre, il y a le Christ, le Fils du Dieu vivant. O faveur merveilleuse ! O fait humblement sublime, que le Seigneur de l’univers, Dieu et Fils de Dieu, s’humilie ainsi au point de se cacher pour notre salut, sous une modeste forme de pain » (François d’Assise, Ecrits, Editrice Francescane, Padoue 2002, 401).

En cette année sacerdotale, j’ai également plaisir à rappeler une recommandation adressée par François aux prêtres : « Lorsqu’ils voudront célébrer la Messe, purs de manière pure, qu’ils présentent avec dignité le véritable sacrifice du Très Saint Corps et Sang de notre Seigneur Jésus Christ » (François d’Assise, Ecrits, 399). François faisait toujours preuve d’un grand respect envers les prêtres et il recommandait de toujours les respecter, même dans le cas où ils en étaient personnellement peu dignes. Il donnait comme motivation de ce profond respect le fait qu’ils avaient reçu le don de consacrer l’Eucharistie. Chers frères dans le sacerdoce, n’oublions jamais cet enseignement : la sainteté de l’Eucharistie nous demande d’être purs, de vivre de manière cohérente avec le Mystère que nous célébrons.

            De l’amour pour le Christ naît l’amour envers les personnes et également envers toutes les créatures de Dieu. Voilà un autre trait caractéristique de la spiritualité de François : le sens de la fraternité universelle et l’amour pour la création, qui lui inspira le célèbre Cantique des créatures. C’est un message très actuel. Comme je l’ai rappelé dans ma récente encyclique Caritas in veritate, seul un développement qui respecte la création et qui n’endommage pas l’environnement (cf. nn. 48-52) pourra être durable, et dans le Message pour la Journée mondiale de la paix de cette année j’ai souligné que l’édification d’une paix solide est également liée au respect de la création. François nous rappelle que dans la création se déploie la sagesse et la bienveillance du Créateur. Il comprend la nature précisément comme un langage dans lequel Dieu parle avec nous, dans lequel la réalité devient transparente et où nous pouvons parler de Dieu et avec Dieu.

            Chers amis, François a été un grand saint et un homme joyeux. Sa simplicité, son humilité, sa foi, son amour pour le Christ, sa bonté envers chaque homme et chaque femme l’ont rendu heureux en toute situation. En effet, entre la sainteté et la joie subsiste un rapport intime et indissoluble. Un écrivain français a dit qu’il n’existe qu’une tristesse au monde : celle de ne pas être saints, c’est-à-dire de ne pas être proches de Dieu. En considérant le témoignage de saint François, nous comprenons que tel est le secret du vrai bonheur : devenir saints, proches de Dieu !

         Que la Vierge, tendrement aimée de François, nous obtienne ce don. Nous nous confions à Elle avec les paroles mêmes du Poverello d’Assise : « Sainte Vierge Marie, il n’existe aucune femme semblable à toi née dans le monde, fille et servante du très haut Roi et Père céleste, Mère de notre très Saint Seigneur Jésus Christ, épouse de l’Esprit Saint : prie pour nous… auprès de ton bien-aimé Fils, Seigneur et Maître » (François d’Assise, Ecrits, 163)

Prier avec saint François

Louanges de Dieu

Tu es le seul Saint, Seigneur Dieu,

toi qui fais des merveilles!

Tu es fort, tu es grand, tu es le Très-Haut,

tu es le roi tout puissant, toi, Père saint,

roi du ciel et de la terre.

Tu es trois et tu es un, Seigneur Dieu,
tu es le bien, tu es tout bien,

 tu es le souverain bien,

Seigneur Dieu vivant et vrai.

Tu es amour et charité, tu es sagesse,

 tu es humilité, tu es patience,

tu es beauté, tu es douceur,
tu es sécurité, tu es repos, tu es joie,

tu es notre espérance et notre joie,
tu es justice, tu es mesure,

tu es toute notre richesse et surabondance.

Tu es beauté, tu es douceur, tu es notre abri, notre gardien et notre défenseur,

tu es la force, tu es la fraîcheur.

Tu es notre espérance, tu es notre foi,

 tu es notre amour,
tu es notre grande douceur, tu es notre vie éternelle, grand et admirable Seigneur,

Dieu tout puissant, ô bon Sauveur!

Salutation a la vierge Marie

Salut, Marie, Dame sainte, reine,

sainte Mère de Dieu,

vous êtes la Vierge devenue Église;

 choisie par le très saint Père du ciel,

consacrée par lui comme un temple

avec son Fils bien-aimé

et l’Esprit Paraclet;

vous en qui fut et demeure

toute plénitude de grâce

et Celui qui est tout bien.

 Salut, Palais de Dieu!

Salut, Tabernacle de Dieu!

Salut, Maison de Dieu!

Salut, Vêtement de Dieu!

Salut, Servante de Dieu!

 Salut, Mère de Dieu!

Et salut à vous toutes,

saintes Vertus, qui,

par la grâce et l’illumination

de l’Esprit-Saint,

êtes versées dans le cœur des fidèles,

vous qui, d’infidèles que nous sommes,

nous rendez fidèles à Dieu!

Prière pour la paix.

Seigneur, fais de moi

un instrument de ta paix.

Là où est la haine, que je mette l’amour.

Là où est l’offense,

que je mette le pardon.
Là où est la discorde, que je mette l’union.

Là où est l’erreur, que je mette la vérité.
Là où est le doute, que je mette la foi.

Là où est le désespoir,

que je mette l’espérance.
Là où sont les ténèbres,

que je mette la lumière.

Là où est la tristesse, que je mette la joie.

O Seigneur, que je ne cherche pas tant

à être consolé qu’à consoler,
à être compris qu’à comprendre,

à être aimé qu’à aimer.

Car c’est en se donnant que l’on reçoit,

c’est en oubliant

qu’on se retrouve soi-même,
c’est en pardonnant

que l’on obtient le pardon,

c’est en mourant

que l’on ressuscite à la Vie éternelle

Offrande totale

Seigneur, je t’en prie,

que la force brûlante

et douce de ton amour
prenne possession

de mon âme

et l’arrache

à tout ce qui est sous le ciel,
afin que je meure

par amour de ton amour,

 comme tu as daigné mourir

par amour de mon amour.

A la sainte Vierge

Sainte Mère de Dieu,

douce et belle,

prie pour nous le Roi

livré à la mort,
ton Fils très doux,

notre Seigneur

Jésus-Christ,

de nous accorder,

par sa bonté et par la vertu
de sa très sainte incarnation

et de sa mort très amère,

le pardon de nos péchés.

Devant le crucifix

de Saint-Damien

Dieu très haut et glorieux,

viens éclairer les ténèbres

de mon cœur;

donne-moi une foi droite,

une espérance solide

et une charité parfaite;
donne-moi de sentir et connaître,

afin que je puisse l’accomplir
ta volonté sainte

qui ne saurait m’égarer.

Prière quotidienne

Mon Dieu et mon tout!

Qui êtes-vous,

très doux Seigneur mon Dieu,

et qui suis-je, moi,

pauvre vermisseau, votre serviteur ?
Très saint Seigneur,

je voudrais vous aimer…

Seigneur mon Dieu,

je vous ai donné tout mon cœur

et tout mon corps
et je désire ardemment

faire davantage,

si du moins je pouvais le savoir!

En entrant dans les églises

Nous t’adorons,

Seigneur Jésus-Christ,

présent ici et dans toutes

les églises du monde.

Et nous te bénissons

parce que tu as racheté

le monde par ta sainte Croix.

Vie de Saint François Chronologie

1181 ou 1182

Naissance de Giovanni Bernardone à Assise (Italie). L’évolution des calendriers au fil du temps rend difficile le choix d’une date précise. Il est le fils de Pietro Bernardone, un riche marchand de draps et d’étoffes, propriétaire d’immeubles et de terres. Sa mère, Pica, descendante d’une noble famille française (les de Bourlemont, de Tarascon) l’instruira sur cette langue. Comme Tarascon est à côté de Beaucaire, une très importante ville de foire au XIIème siècle, il est possible que son père et sa mère s’y soient rencontrés.  Pica épouse Pietro Bernardone en secondes noces en 1180, après un veuvage. Elle a déjà un fils prénommé Angelo. Alors qu’elle est enceinte, Pietro part en France négocier les meilleurs tissus sur les foires de Provence et de Champagne. À son retour, heureux de la naissance de son fils et des bonnes affaires faites en France, il l’appelle « le petit français », « François » c’est-à-dire Francesco, faisant fi du prénom de Jean, reçu sur les fonts baptismaux de la cathédrale Saint-Rufin. Comme sa mère Pica s’est remariée en 1180, il est possible que François soit né en 1181. De plus, comme il est né durant l’absence de son père qui voyage qu’à la belle saison, on peut penser que François soit né entre mai et septembre. Les foires médiévales de Champagne durent de 3 à 7 semaines. Son père s’est probablement rendu à celle de Provins en mai et celle de Troyes en juin. La date de naissance du 5 juillet est donc cohérente mais non prouvée. Tout dépend si ces voyages se faisaient par voie terrestre ou par voie maritime.

1190 – 1198

L’école, près de l’église San Gorgio à Assise, lui enseigne le Latin. À la maison sa mère lui apprend sa langue natale, l’Occitan, alors parlé dans le sud de la France et le nord de l’Espagne.  Cela va lui permettre de comprendre et d’affectionner la culture provençale des troubadours du XIIème siècle. Joyeux de nature, il aime chanter leur poésie.

1198 – 1201

Il se comporte comme un grand seigneur, dépensant l’argent de ses parents sans compter. Ses prodigalités inquiètent sa mère et irritent son père. Il vit dans une insouciance festive.

1202

Mu par ses ambitions chevaleresques, il prend part à la guerre qui oppose Assise (la gibeline, partisane de l’empereur) à Pérouse (la guelfe, partisane du pape). Il est fait prisonnier en novembre 1202. Sa captivité altère sa santé. Là il fait la connaissance d’un des fils de la famille Spadalunga, originaire de Gubbio, l’alliée d’Assise.

1203

L’année passée en prison, le calme et lui ouvre l’esprit. Il se remet doucement de sa maladie contractée en captivité. Désormais sa vie va changer. Il s’éloigne peu à peu de la dolce vita qu’il avait avec ses anciens camarades, issus de la bourgeoisie.

1204

Il commence à fréquenter les églises en quête de réponses à des questions qui l’obsèdent. Il rompt avec sa vie confortable.

1205

Dans la chapelle de Saint Damien, devant la croix du Christ, François d’Assise entend une voix lui demander de « réparer son Église en ruines ». Il comprend le message au premier degré et s’empresse d’aller vendre les tissus de son père sur le marché voisin de Foligno, pour avoir les fonds nécessaires à la restauration de la chapelle.

1206

Son père lui demande d’arrêter de dilapider le patrimoine familial et de lui rendre les fonds, sous peine d’intervenir auprès d’un tribunal. Mais François se cache derrière un statut de pénitent qui le fait échapper à la justice laïque. Finalement l’évêque, mandé par son père, le convoque au printemps 1206. François remet alors tout ce qu’il possède, y compris ses vêtements. Il ressort nu comme un vrai rebelle qui veut se faire entendre en clamant sa foi en Dieu. Après un séjour au monastère San Verecondo à Vallingegno (une douzaine de kilomètres au sud de Gubbio), il revient à Assise. Il se fait maçon durant 3 ans pour réparer plusieurs chapelles délabrées autour d’Assise dont celle de Saint Damien qui sera plus tard le lieu attribué aux Clarisses par Innocent III.

1208

Le 24 février, au cours d’une lecture de l’Évangile de Matthieu durant la messe à laquelle il assiste dans la chapelle de la Portioncule, François comprend le sens caché de la phrase entendue à Saint Damien. Désormais c’est à lui de reconstruire « l’Église en ruines » en prêchant l’Évangile et la paix. C’est sans doute à cette époque que la rencontre avec un lépreux et le geste de fraternité qu’il lui adresse change sa vie en lui donnant pour centre la charité envers les plus démunis et les exclus.

1209

Au terme de plusieurs années de prédication dans la région d’Assise, François fonde avec ses compagnons de la première heure, Bernard de Quintavalle et Pierre de Catane, l’Ordre des Frères Mineurs qui deviendra l’Ordre des Franciscains

1210

Le pape Innocent III rêve que François d’Assise soutient la basilique Saint-Jean-de-Latran en ruines. La symbolique est si forte qu’il approuve et valide la première règle des frères franciscains.

1212

Une aristocrate d’Assise, Claire de Offreducci (1193-1253), conquise par l’idéal de François, le rejoint et fonde l’Ordre des Clarisses ou Pauvres Dames. Des amies et des membres de sa famille dont sa sœur Agnès et sa mère la rejoignent. En 1216 le pape Innocent III leur accorde le droit de vivre dans le couvent de Saint Damien, sans ressources fixes. L’Ordre des Clarisses applique les mêmes règles que l’Ordre des Franciscains.

1213

Le 8 mai le comte Orlando di Chiusi donne La Verna (Toscane) à François, un lieu particulièrement propice à la contemplation. Le comte deviendra l’un des premiers membre du tiers-ordre que François fondera pour les laïcs.

1215

Du 11 au 30 novembre, François assiste au quatrième concile du Latran à Rome. Il condamne les hérésies du moment, Cathares et Vaudois.

1217

Début d’extension de l’Ordre des Franciscains qui envoie des émissaires au nord des Alpes.

1218

 Le comte Orlando fait construire la chapelle Sainte-Marie-des-Anges à La Verna.

1219

Accompagné d’un frère franciscain, François se rend à la cinquième croisade (1217-1221) en vue de rétablir la paix alors que les Croisés tentent de faire de Damiette (Egypte) une ville chrétienne. Sa foi intrépide le conduit jusque devant le sultan Al-Kamil. Il tente, sans succès, de le convertir au christianisme afin de résoudre le conflit. Néanmoins les tensions s’apaisent.Al-Kamil propose l’échange de Damiette contre Jérusalem. L’offre est refusée par Pélage Galvani, chef religieux de la croisade. Dans le même moment le succès de l’apostolat franciscain se répand en Allemagne, Hongrie, France et Angleterre.

1220

Retour en Italie de François. Il s’arrête sur « l’île des deux vignes » à quelques kilomètres de Venise. Un couvent franciscain y sera construit en 1233. Une fois arrivé en Ombrie, il constate combien l’ordre a changé en son absence et en confie la direction à Pierre de Catane qui mourra l’année suivante. Élie de Cortone (1180 -1253), lui succède de 1221 à 1239.

1221

 Durant l’absence de François, certains frères ont commencé à remettre en cause l’idéal de l’Ordre, à savoir la pauvreté absolue. Cette dérive oblige François à rédiger une nouvelle règle, la Regula Prima, reprenant les points essentiels de l’Ordre.

1222

À la demande de Luchèse de Caggiano, François fonde à Bologne le Tiers-Ordre franciscain, réservé aux personnes mariées désirant vivre comme les Frères tout en restant laïcs. Elisabeth de Hongrie (1207 1231) adhérera à cet Ordre après la mort de son mari, Louis IV de Thuringe, en 1227. A la fois descendante de la dynastie capétienne (France) et de la dynastie des Árpád (Hongrie), elle sera canonisée en 1235.

1223

La Première Règle (Regula Prima), trop stricte et complexe, est remplacée par une règle moins sévère appelée Regula bullata (approuvée par le pape Honorius III). François d’Assise commence à s’isoler dans des ermitages de la vallée de Rieti, comme Greccio où il invente la première crèche vivante. De fait, il laisse l’organisation de l’Ordre à d’autres frères.

1224

 En août, attristé par les changements de l’Ordre des Frères, il se rend avec quelques compagnons à La Verna pour un jeûne de 40 jours afin de se préparer à la fête Saint-Michel (29 septembre). Aux alentours du 14 septembre, alors qu’il médite dans la solitude, apparaissent sur ses pieds, ses mains et son flanc les stigmates de la crucifixion du Christ. Cette ultime identification fait de lui un nouveau Christ.

1225

Devenu presque aveugle, il trouve pourtant la force (auprès de Claire à San Damiano) de rédiger Le Cantique des Créatures (ou Cantique du Soleil) et de réconcilier les autorités d’Assise.

1226 François d’Assise meurt le soir du 3 octobre à Assise, dans la petite église de la Portioncule aujourd’hui englobée dans la basilique Sainte-Marie-des-Anges (1569). Il est inhumé en l’église Saint-Georges d’Assise.

1228

Le pape Grégoire IX le canonise le 16 juillet.

1229

 À la demande du pape, un récit hagiographique est rédigé en latin par Thomas de Celano (1190-1260) sous le nom de « Vita beati Francisci ».

basilique construite en son honneur.

1230

Le 25 mai sa dépouille est déplacée dans  la nouvelle dans  la nouvelle basilique construite en son honneur.

 JOIE PARFAITE DES « FIORETTI »

Comme saint François allait une fois de Pérouse à Sainte-Marie-des-Anges avec frère Léon, au temps d’hiver, et que le froid très vif le faisait beaucoup souffrir, il appela frère Léon qui marchait un peu en avant, et parla ainsi : « O frère Léon, alors même que les frères Mineurs donneraient en tout pays un grand exemple de sainteté et de bonne édification, néanmoins écris et note avec soin que là n’est pas point la joie parfaite. »

Et saint François allant plus loin l’appela une seconde fois : « O frère Léon, quand même le frère Mineur ferait les aveugles voir, redresserait les contrefaits, chasserait les démons, rendrait l’ouïe aux sourds, les marcher aux boiteux, la parole aux muets et, ce qui est plus grand miracle, ressusciterait des morts de quatre jours, écris qu’en cela n’est point la joie parfaite. »

Marchant encore un peu, saint François s’écria d’une voix forte : « O frère Léon, si le frère Mineur savait toutes les langues et toutes les sciences et toutes le Écritures, en sorte qu’il saurait prophétiser et révéler non seulement les choses futures, mais même les secrets des consciences et des âmes, écris qu’en cela n’est point la joie parfaite. »

Allant un peu plus loin, saint François appela encore d’une voix forte : « O frère Léon, petite brebis de Dieu, quand même le frère parlerait la langue des Anges et saurait le cours des astres et les vertus des herbes, et que lui seraient révélés tous les trésors de la terre, et qu’il connaîtrait les vertus des oiseaux et des poissons, de tous les animaux et de hommes, des arbres et des pierres, des racines et des eaux, écris qu’en cela n’est point la joie parfaite. »

Et faisant encore un peu de chemin, saint François appela d’une voix forte : « O frère Léon, quand même le frère Mineur saurait si bien prêcher qu’il convertirait tous les fidèles à la foi du Christ, écris que là n’est point la joie parfaite. »

Et comme de tels propos avaient bien duré pendant deux milles, frère Léon, fort étonné, l’interrogea et dit : « Père, je te prie, de la part de Dieu, de me dire où est la joie parfaite ».

Et saint François lui répondit : « Quand nous arriverons à Sainte-Marie-des-Anges, ainsi trempés par la pluie et glacés par le froid, souillés de boue et tourmentés par la faim, et que nous frapperons à la porte du couvent, et que le portier viendra en colère et dira : « Qui êtes-vous ? » et que nous lui répondons : « Nous sommes deux d vos frères », et qu’ils dira : « Vous ne dites pas vrai, vous êtes même deux ribauds qui allez trompant le monde et volant les aumônes des pauvres ; allez-vous en » ; et quand il n nous ouvrira pas et qu’il nous fera rester dehors dans la neige et la pluie, avec le froid et la faim, jusqu’à la nuit, alors si nous supportons avec patience, sans trouble et sans murmurer contre lui, tant d’injures et tant de cruauté et tant de rebuffades, et si nous pensons avec humilité et charité que ce portier nous connaît véritablement, et que Dieu le fait parler contre nous, ô frère Léon, écris que là est la joie parfaite. Et si nous persistons à frapper, et qu’il sorte en colère, et qu’il nous chasse comme des vauriens importuns, avec force vilenies et soufflets en disant : « Allez-vous-en d’ici misérables petits voleurs, allez à l’hôpital, car ici vous ne mangerez ni ne logerez », si nous supportons tout cela avec patience, avec allégresse, dans un bon esprit de charité, ô frère Léon, écris que là est la joie parfaite.

Et si nous, contraints pourtant par la faim, et par le froid, et par la nuit, nous frapperons encore et appelons et le supplions pour l’amour de Dieu, avec de grands gémissements, ne nous ouvrir et de nous faire cependant entrer, et qu’il dise, plus irrité encore : « ceux-ci sont des vauriens importuns, et je vais les payer comme ils se méritent », et s’il sort avec un bâton noueux, et qu’il nous saisisse par le capuchon, et nous jette à terre, et nous roule dans la neige, et nous frappe de tus les nœuds de ce bâton, si tout cela nous supportons patiemment et avec allégresse, en pensant aux souffrances du Christ béni, que nous devons supporter pour son amour, ô frère Léon, écris qu’en cela est la joie parfaite

Enfin, écoute la conclusion, frère Léon : au-dessus de toutes les grâces et dons de l’Esprit-Saint que le Christ accorde à ses amis, il y a celui de se vaincre soi-même, et de supporter volontiers pour l’amour du Christ les peines, les injures, les opprobres et les incommodités ; car de tous les autres dons de Dieu nous ne pouvons-nous glorifier, puisqu’ils ne viennent pas de nous, mais de Dieu, selon que dit l’Apôtre : « Qu’as-tu que tu ne l’aies reçu de Dieu ? Et si tu l’as reçu de lui, pourquoi t’en glorifies-tu comme si tu l’avais de toi-même ? ». Mais dans la croix de la tribulation et de l’affliction, nous pouvons nous glorifier parce que cela est à nous, c’est pourquoi l’Apôtre dit : « Je ne veux point me glorifier si ce n’est dans la Croix de Notre-Seigneur Jésus Christ. »

L’esprit d’Assise « Pape Jean-Paul II »

       24 janvier 2002

Nous sommes venus à Assise en pèlerinage de paix. Nous sommes ici, en tant que représentants des différentes religions, pour nous interroger devant Dieu sur notre engagement en faveur de la paix, pour Lui demander de nous en faire le don, pour témoigner de l’ardent désir que nous avons tous d’un monde plus juste et plus solidaire.

Nous voulons apporter notre contribution pour éloigner les nuages du terrorisme, de la haine, des conflits armés, nuages qui se sont particulièrement accumulés ces derniers mois à l’horizon de l’humanité. C’est pourquoi nous voulons nous écouter les uns les autres : c’est déjà là – nous le sentons – un signe de paix. C’est déjà là une réponse aux questions inquiétantes qui nous préoccupent. Cela sert déjà à dissiper les ombres du soupçon et de l’incompréhension.

On ne dissipe pas les ténèbres avec les armes; on éloigne les ténèbres en allumant des sources de lumière. Il y a quelques jours, je rappelais au Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège que la haine ne peut être vaincue que par l’amour.

Nous nous rencontrons à Assise, où tout parle d’un singulier prophète de la paix appelé François. Il est aimé non seulement des chrétiens mais aussi de beaucoup d’autres croyants et de personnes qui, tout en étant loin de la religion, se reconnaissent dans l’idéal de justice, de réconciliation, de paix, qui fut le sien. Ici, le  Poverello d’Assise nous invite avant tout à lancer un chant de gratitude à Dieu pour tous ses dons. Nous louons Dieu pour la beauté du cosmos et de la terre, «jardin» merveilleux qu’il a confié à l’homme pour qu’il le cultive et le garde (cf. Gn2, 15). Il est bon que les hommes se rappellent qu’ils se trouvent sur un «parterre» de l’immense univers, créé pour eux par Dieu. Il est important qu’ils se rendent compte que ni eux ni les questions pour lesquelles ils se fatiguent tant ne sont «tout». Seul Dieu est «tout», et c’est à Lui que chacun devra, à la fin, se présenter pour rendre compte.

Nous louons Dieu, Créateur et Seigneur de l’univers, pour le don de la vie et spécialement de la vie  humaine, née sur notre planète par un mystérieux dessein de sa bonté. La vie sous toutes ses formes est confiée d’une manière spéciale à la responsabilité des hommes. Avec un émerveillement chaque jour renouvelé, nous constatons la variété avec laquelle la vie humaine se manifeste, des deux pôles féminin et masculin jusqu’à une multiplicité de dons caractéristiques, propres aux diverses cultures et traditions, qui constituent un univers linguistique, culturel et artistique aux formes et aux facettes multiples. C’est une multiplicité qui est appelée à s’associer par la confrontation et le dialogue pour l’enrichissement et la joie de tous. Dieu lui-même a placé dans le cœur humain une propension instinctive à vivre en paix et en harmonie. C’est là une aspiration plus intime et plus tenace que n’importe quel instinct de violence, une aspiration que nous sommes venus ensemble réaffirmer ici, à Assise. Nous le faisons en étant conscients d’interpréter le sentiment le plus profond de tout être humain.

L’histoire a connu et continue de connaître des hommes et des femmes qui, précisément en tant que croyants, se sont distingués comme témoins de paix. Par leur exemple, ils nous enseignent qu’il est possible de construire entre les personnes et entre les peuples des ponts pour se rencontrer et cheminer ensemble sur les voies de la paix. Nous voulons tourner nos regards vers eux pour y puiser une inspiration dans notre engagement au service de l’humanité. Ils nous encouragent à espérer que, dans le nouveau millénaire commencé depuis peu, ne manqueront pas non plus des hommes et des femmes de paix, capables de faire rayonner dans le monde la lumière de l’amour et de l’espérance.

La paix ! L’humanité a  toujours  besoin de la paix, mais elle en a besoin plus encore aujourd’hui, après les tragiques événements qui ont ébranlé sa confiance et en présence des foyers persistants de conflits déchirants qui maintiennent le monde dans l’appréhension. Dans le Message du 1er janvier dernier, j’ai mis l’accent sur deux «piliers» sur lesquels la paix s’appuie : l’engagement pour la justice et la disposition au pardon.

La justice, tout d’abord, car il ne peut y avoir de paix véritable sinon dans le respect de la dignité des personnes et des peuples, des droits et des devoirs de chacun, et dans la distribution équitable des profits et des charges entre les individus et entre les collectivités. On ne saurait oublier que des situations d’oppression et de marginalisation sont souvent à l’origine des manifestations de violence et de terrorisme. Et ensuite le pardon, car la justice humaine est exposée à la fragilité et aux limites des égoïsmes individuels et de groupe. Seul le pardon guérit les blessures des cœurs et rétablit en profondeur les rapports humains perturbés.

Il faut de l’humilité et du courage pour s’engager sur ce chemin. Le contexte de la présente rencontre, celui du dialogue avec Dieu, nous donne l’occasion de réaffirmer qu’en Dieu nous trouvons l’union éminente de la justice et de la miséricorde. Dieu est souverainement fidèle à lui-même et à l’homme, même quand l’être humain s’éloigne de Lui. C’est pourquoi les religions sont au service de la paix. Il leur appartient, et il appartient surtout à leurs responsables, de promouvoir parmi les hommes de notre temps une conscience renouvelée de l’urgence de bâtir la paix.

Les traditions religieuses possèdent les ressources nécessaires pour dépasser les divisions et pour favoriser l’amitié réciproque et le respect entre les peuples. À cette occasion, on a aussi constaté que les conflits tragiques ont souvent découlé de l’association injuste de la religion avec des intérêts nationalistes, politiques, économiques ou d’autres types. Nous qui sommes ici réunis, nous affirmons ensemble que celui qui utilise la religion pour fomenter la violence en contredit l’inspiration la plus authentique et la plus profonde.

Il faut donc que les personnes et les communautés religieuses manifestent le rejet le plus net et le plus radical de la violence, de toute violence, à commencer par celle qui prétend se parer de religiosité, allant jusqu’à faire appel au nom très saint de Dieu pour offenser l’homme. Offenser l’homme revient en définitive à offenser Dieu. Aucune finalité religieuse ne peut justifier la pratique de la violence de l’homme sur l’homme.

Je m’adresse maintenant de manière particulière à vous, Frères et Sœurs chrétiens. Notre Maître et Seigneur Jésus Christ nous appelle à être des apôtres de paix. Lui-même a fait sienne la règle d’orconnue de la sagesse antique : Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux (Mt7, 12) et le commandement de Dieu: Aime ton prochain comme toi-même (cf. Lv 19, 18; Mt 22, 39 et par.), les portant à leur achèvement dans le commandement nouveau: Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres (Jn  13, 34).

Par sa mort sur le Golgotha, il a imprimé dans sa chair les stigmates de la divine passion pour l’humanité. Témoin du dessein d’amour du Père céleste, il est devenu «notre paix, lui qui de deux réalités n’en a fait qu’une, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant la haine» (Ep  2, 14).

Avec François, le saint qui a respiré l’air de ces collines et qui a parcouru ces régions, nous fixons notre regard sur le mystère de la Croix, l’arbre du salut baigné dans le sang rédempteur du Christ. L’existence du Poverello, de sainte Claire et d’innombrables autres saints et martyrs chrétiens a été marquée par le mystère de la Croix. Leur secret fut précisément ce signe victorieux de l’amour sur la haine, du pardon sur la vengeance, du bien sur le mal. Nous sommes invités à avancer sur leurs traces, pour que la paix du Christ devienne un ardent et incessant désir de la vie du monde.

Si la paix est un don de Dieu et a sa source en Lui, où est-il possible de la chercher et comment pouvons-nous la construire si ce n’est dans un rapport intime et profond avec Lui  ? Bâtir la paix dans l’ordre, dans la justice et dans la liberté requiert donc l’engagement prioritaire de la prière, qui est ouverture, écoute, dialogue et en dernier ressort union avec Dieu, source originelle de la paix véritable. Prier ne signifie pas s’évader de l’histoire ni des problèmes qui s’y présentent. Au contraire, cela consiste à choisir d’affronter la réalité non pas seul, mais avec la force qui vient d’en haut, la force de la vérité et de l’amour, dont la source ultime est en Dieu. Face aux pièges du mal, l’homme religieux sait qu’il peut compter sur Dieu, volonté absolue de bien; il sait qu’il peut le prier pour obtenir le courage d’affronter les difficultés, même les plus dures, avec sa responsabilité personnelle, sans céder au fatalisme ou à des réactions impulsives.

Frères et Sœurs venus ici de différentes parties du monde ! Nous nous rendrons tout à l’heure dans les lieux prévus a fin d’implorer de Dieu le don de la paix pour l’humanité entière. Nous demanderons qu’il nous soit donné de reconnaître la voie de la paix, des justes rapports avec Dieu et entre nous. Nous demanderons à Dieu d’ouvrir les cœurs à la vérité sur Lui et sur l’homme. Le but est unique et l’intention est la même, mais nous prierons selon des formes diverses, respectant les traditions religieuses de chacun. Dans cela aussi, il y a au fond un message: nous voulons montrer au monde que l’élan sincère de la prière ne pousse pas à l’opposition et moins encore au mépris de l’autre, mais à un dialogue constructif, dans lequel chacun, sans verser en aucune manière dans le relativisme ni dans le syncrétisme, prend une conscience plus vive du devoir du témoignage et de l’annonce.

Il est temps de dépasser résolument les tentations d’hostilité qui n’ont pas manqué dans l’histoire, même religieuse, de l’humanité. En réalité, lorsqu’elles se réclament de la religion, elles en expriment un aspect profondément immature. En effet, le sentiment religieux naturel conduit à percevoir de quelque manière le mystère de Dieu, source de la bonté, et cela constitue une source de respect et d’harmonie entre les peuples. C’est même dans ce sentiment que réside le principal antidote contre la violence et les conflits.

Aujourd’hui encore, comme le 27 octobre 1986, Assise devient de nouveau le «cœur» d’une foule immense qui invoque la paix. À nous s’unissent de nombreuses personnes qui, depuis hier jusqu’à ce soir, dans les lieux de culte, dans les maisons, dans les communautés, à travers le monde entier, prient pour la paix. Ce sont des personnes âgées, des enfants, des adultes et des jeunes: tout un peuple qui ne se lasse pas de croire à la force de la prière pour obtenir la paix.

Que la paix demeure spécialement dans le cœur des nouvelles générations ! Jeunes du troisième millénaire, jeunes chrétiens, jeunes de toutes les religions du monde, je vous demande d’être, comme François d’Assise, des «sentinelles» dociles et courageuses de la paix véritable, fondée sur la justice et sur le pardon, sur la vérité et sur la miséricorde !

Avancez vers l’avenir en tenant haute la flamme de la paix  !

Le monde a besoin de sa lumière.

Prière de saint Jean-Paul II à saint François

« Saint François d’Assise, Toi qui as si bien rapproché le Christ de ton époque, aide-nous à rapprocher le Christ de notre époque, de notre temps difficile et critique ! Aide-nous ! Notre temps a soif du Christ, bien que beaucoup, actuellement, ne s’en rendent pas compte. Aide-nous, Saint François d’Assise, à rapprocher le Christ de l’Église et du monde d’aujourd’hui !

Toi qui as porté dans ton cœur les vicissitudes de tes contemporains, aide-nous à embrasser, avec un cœur tout proche du cœur du Rédempteur, les soucis des hommes de notre époque : les difficiles problèmes sociaux, économiques, politiques, les problèmes de la culture et de la civilisation contemporaines, toutes les souffrances de l’homme d’aujourd’hui, ses doutes, ses négations, ses déviations, ses tensions, ses complexes, ses inquiétudes…

Aide-nous à traduire tout cela en un langage évangélique simple et porteur de fruits. Aide-nous à tout résoudre en référence à l’Évangile, afin que le Christ lui-même puisse être « le Chemin, la Vérité, la Vie » pour l’homme de notre temps.

Voilà ce que te demande, ô saint fils de l’Église, ô fils de la terre italienne, le Pape Jean-Paul II, fils de la terre polonaise. Il espère que tu ne le lui refuseras pas, mais que tu l’aideras, toi qui as toujours été bon et t’es toujours empressé d’aider tous ceux qui se sont adressé à toi. Amen ! »